Chateaubriand (François René, vicomte de)

Écrivain français (Saint-Malo 1768 - Paris 1848).

Dixième enfant d'un hobereau breton, il passe, au château de Combourg, une enfance et une adolescence marquées par sa condition de cadet. Sous-lieutenant au régiment de Navarre, il assiste au début de la Révolution, puis part pour l'Amérique (1791). De retour en France (1792), il s'engage dans l'armée des princes, est blessé au siège de Thionville, puis émigre en Angleterre, où, dans la misère, il travaille aux manuscrits rapportés d'Amérique. Converti, sous le choc de la mort de sa mère et de sa sœur, il commence une apologie de la religion chrétienne et rentre en France en 1800. Abandonnant un roman commencé en Amérique, les Natchez, il n'en retient que deux épisodes, Atala, publié d'abord séparément, et René, qui décrit le « mal du siècle », ce « vague des passions » ressenti par toute une génération et lié à l'effondrement de l'ordre social et religieux ; cette œuvre sera insérée dans le Génie du christianisme (1802), dont le succès est immédiat. Nommé par Bonaparte secrétaire d'ambassade à Rome, puis ministre dans le Valais, Chateaubriand démissionne à la suite de l'exécution du duc d'Enghien (1804) et se consacre à la fois à la littérature et à une opposition résolue au régime. Se proposant de compléter le Génie par une grande épopée en prose, les Martyrs, qui paraîtra en 1809, Chateaubriand entreprend un voyage en Orient et publie, en 1811, année de son élection à l'Académie, l'Itinéraire de Paris à Jérusalem. Ayant contribué au retour des Bourbons, il est nommé ministre des Affaires étrangères sous Villèle en 1822. Chassé du pouvoir en 1824, il devient un des chefs de l'opposition. Ses campagnes dans le Journal des débats font de lui une idole de la jeunesse libérale. Ambassadeur de Charles X à Rome (1828), il démissionne à la formation du ministère Blignac ultraroyaliste (1829). Refusant de se rallier à Louis-Philippe en 1830, il parcourt l'Europe, revient en France terminer ses Mémoires d'outre-tombe et meurt au lendemain des journées de 1848, après avoir publié, en 1844, la Vie de Rancé. Déçu par la Restauration et la « morale des intérêts » de la France bourgeoise, Chateaubriand, fournissant à la mélancolie romantique un de ses modèles les plus envoûtants, s'est réfugié dans une œuvre reposant sur une dynamique du souvenir, où se fondent, dans le somptueux mouvement d'une prose poétique, l'histoire individuelle et l'histoire collective.

Mémoires d'outre-tombe. Le projet date de 1803 et la rédaction de 1809. Jusqu'à la fin de sa vie, Chateaubriand ne cessa de remanier le manuscrit. En 1836, il le vendit à une société, à condition qu'il ne parût pas de son vivant. La publication en fut d'abord faite, sous forme de feuilleton, dans la Presse (1848-1850). Superposant perpétuellement les êtres, les paysages et les souvenirs, Chateaubriand a moins écrit le récit de sa vie que composé le grand poème lyrique de la fin d'un monde qui, à travers la célébration de la mer, de l'amour et des ruines, est une variation sur le thème de la mort.